La rivalité fraternelle prend-elle fin ? (2024)

Quand Roseanne était jeune, elle dit qu'il y avait beaucoup de conflits entre elle et ses frères jumeaux, qui ont presque trois ans de moins.

"Ils formaient vraiment une paire, leur propre équipe, donc c'était toujours deux contre un", explique Roseanne, une mère de 46 ans qui vit dans le New Jersey, aux États-Unis. Une partie de ce conflit perdure, dit-elle, même maintenant, et on peut parfois avoir l'impression que rien n'a changé depuis l'enfance. « Nous étions très, très différents. Nous semblions juste être dans des mondes différents, et je pense que cela fait partie du problème avec mes deux [enfants] maintenant.

Roseanne a un fils de 16 ans et une fille de 14 ans qui ne s'entendent plus depuis qu'ils sont à l'école maternelle. "Les chamailleries sont épuisantes", dit-elle. "Pendant longtemps, nous avons évité de faire grand-chose en famille parce que nous ne voulions tout simplement pas l'entendre. Nous ne pouvons pas nous asseoir à table pendant 10 minutes sans que des coups de feu ne soient lancés. Ils sont chacun constamment inquiets pour l'autre personne, faisant des commentaires, poussant les boutons les uns des autres.

Les frères et sœurs se battent. Bien sûr qu'ils le font; comme le savent presque tous ceux qui ont un frère ou une sœur, une sorte de rivalité est courante.

« Les enfants ont beaucoup moins de capacité que les adultes à réfléchir à ce qui les dérange ou à garder leurs impulsions à distance. Donc, ils se battent beaucoup, comme nous le savons tous », explique le Dr Raymond Raad, co-fondateur de RIVIA Mind, un centre de santé mentale à New York.

Dans de nombreuses familles, les querelles entre frères et sœurs sont formatrices. Cela aide les enfants à apprendre à gérer les conflits et les rend plus aptes à interagir avec les autres. Pour certains, la rivalité diminue à l'âge adulte et devient juste un sujet de rire lors des fêtes de famille.

Les similitudes entre frères et sœurs peuvent stimuler la concurrence, mais les différences peuvent créer tout autant de conflits (Crédit : Getty Images)

Arbre généalogique

Mais pour d'autres, ça colle. Une enquête auprès de 2 000 adultes au Royaume-Uni, réalisée dans le cadre d'un effort promotionnel pour l'émission télévisée Succession (dans laquelle les frères et sœurs essaient constamment de se surpasser), a montréplus de la moitié des répondantstoujoursse sentent en concurrence avec leurs frères et sœurs. Cinquante et un pour cent de ces adultes déclarent avoir une relation durable et compétitive avec leurs frères et sœurs et ont déclaré qu'ils se disputaient tout, de l'accession à la propriété à l'hôte des réunions de famille. Certains experts s'accordent à dire que ces conflits s'éternisent.

La rivalité fraternelle peut ne pas sembler surprenante dans l'enfance. Mais beaucoup – comme Roseanne – ressentent encore le conflit, bien après avoir quitté le même domicile que leurs frères et sœurs. Pourquoi cette compétition dure-t-elle – et pouvons-nous jamais nous en remettre ?

Comparaison et conflit

"En tant qu'êtres humains, nous sommes orientés vers la comparaison", explique Shawn D Whitehead, professeur de développement humain et d'études familiales à l'Utah State University, aux États-Unis. « Les frères et sœurs fournissent un point de comparaison naturel. Ils sont chez vous, grandissent avec vous, généralement à quelques années de votre âge en moyenne. Ils sont dans le même environnement et la même maison, donc ils nous fournissent une bonne mesure comparative.

Par exemple, il est facile pour les frères et sœurs de comparer leur réussite scolaire ou sportive, ou de se bousculer pour savoir qui est l'enfant «préféré», car les frères et sœurs ont souvent des expériences similaires (comme fréquenter les mêmes écoles). Et plus les enfants sont proches en âge, plus la rivalité peut être intense.

Cette tendance naturelle à nous comparer aux autres peut être un moteur majeur de la compétition entre frères et sœurs - en particulier, dit Raad, parce que nos frères et sœurs ont tendance à être les personnes avec lesquelles nous passons le plus de temps pendant l'enfance et que nous connaissons le mieux par la suite.

Cela peut sembler «naturel» pour des frères et sœurs dans les mêmes environnements exerçant les mêmes passe-temps pour se cogner la tête. Pourtant, les frères et sœurs qui ne participent pas aux mêmes activitéstoujourstrouver des moyens de rivaliser, aussi.

Whitehead dit que certains frères et sœursessayer de différenciereux-mêmes dans le but de réduire la concurrence, surtout s'ils sont proches de leurs frères et sœurs. "Cela réduirait, en théorie, la rivalité", dit Whitehead, "mais lerechercheest mixte.

Cela correspond à l'expérience de Roseanne : tant avec ses propres frères qu'avec ses enfants, elle dit que la différence est un facteur majeur de conflit.

La fille de Roseanne est douée sur le plan athlétique, tandis que son fils est naturellement doué sur le plan académique. Roseanne dit que puisque sa fille doit travailler beaucoup plus dur pour maintenir de bonnes notes, leurs différences sont devenues un point de discorde constant entre les frères et sœurs. « Beaucoup, beaucoup d'enseignants et même certains membres de la famille ont toujours dit à quel point mon fils était intelligent », dit Roseanne. "Je sais que c'est un point de pression pour ma fille."

Il est également courant que la compétitivité s'intensifie à l'adolescence, dit Raad, car "les parents ou les environnements scolaires ou sportifs créent l'attente que tout est une compétition".

Mais même si les frères et sœurs développent des identités plus individualisées plus tard dans la vie, les différences peuvent continuer à alimenter la concurrence et les conflits, en particulier avec les frères et sœurs qui ont grandi dans le même foyer, mais qui se sont retrouvés très différents les uns des autres. Même si leurs chemins divergent, dit Raad, "cela ne veut pas dire qu'ils ne se disputeront pas plus tard dans la vie”.

Le facteur d'équité

Un autre moteur majeur de la rivalité entre frères et sœurs est l'équité, une idée qui, selon Whitehead, est profondément importante pour les enfants.

"Les parents sont plus susceptibles d'accorder des privilèges aux jeunes enfants plus tôt qu'aux enfants plus âgés", dit-il. "En tant que parent, quand vous dites à un enfant de 12 ans, 'tu peux rester debout jusqu'à 10', alors peut-être que l'enfant de 10 ans peut le faire aussi, parce que [les parents] ne veulent pas se battre. ” Lorsque des enfants plus jeunes obtiennent la permission plus tôt qu'un frère ou une sœur plus âgé(e), « cela peut amener l'aîné à penser que les choses sont injustes. Cela crée des conflits », ajoute Whitehead.

Même si les frères et sœurs développent des identités plus individualisées plus tard dans la vie, les différences peuvent continuer à stimuler la concurrence (Crédit : Getty Images)

Et il s'avère que les frères et sœurs ne « grandissent » pas nécessairement du désir d'équité – au contraire, c'est toujours l'un des facteurs qui peuvent conduire la rivalité entre frères et sœurs à l'âge adulte, dit Raad.

"Quand vous regardez les gens qui ont des conflits, il semble y avoir une pensée implicite que nous venons du même endroit, de la même famille, il est donc juste que nous soyons similaires et à égalité", dit-il. "Les problèmes surviennent lorsque l'un des frères et sœurs a le sentiment que quelque chose n'est pas juste dans sa vie. Il y a une perception que l'un d'eux est plus beau, plus intelligent, plus performant - et cela donne à l'autre le sentiment que le patrimoine génétique a été distribué de manière inégale.

À l'âge adulte, la question de l'équité entre frères et sœurs s'applique à des choses comme la réussite professionnelle, le bonheur des gens dans leur mariage et plus encore, ajoute Raad. "Contrairement aux amis, où vous pouvez dire:" oh, nous sommes si différents, nous venons d'endroits si différents ", il y a cette idée que les frères et sœurs viennent du même milieu, donc quelque chose devrait être juste quant à l'endroit où ils finissent."

Une poussée douce

Cependant, certaines rivalités entre frères et sœurs adultes ne sont pas nécessairement mauvaises. Plus d'un quart des répondants à l'enquête OnePoll déclarent être en concurrence avec leurs frères et sœurs sur les objectifs de carrière, et pour 15 % des répondants, la rivalité les a motivés dans leur carrière. Pour près de deux adultes sur 10, il y a une forte conviction que la rivalité fraternelle les a amenés à accomplir plus dans leur vie. Ainsi, une rivalité mineure peut être saine – et tout simplement naturelle.

Cependant, il n'est pas certain que chaque groupe de frères et sœurs concourra pour le reste de leur vie. Pour beaucoup, les combats s'estompent à mesure qu'ils deviennent adultes. Les experts conviennent qu'il n'y a pas une seule raison pour laquelle la rivalité fraternelle disparaît dans certaines familles et persiste dans d'autres. "Le meilleur prédicteur de votre relation adulte est celle de votre enfance, mais il y a aussi de la place pour le changement", déclare Whitehead. L'intensité d'une rivalité peut s'estomper avec l'espace et la distance, dit-il, de sorte que les frères et sœurs qui finissent par vivre géographiquement éloignés ou qui ne se voient pas aussi souvent, peuvent naturellement moins se cogner la tête.

Le nombre de grands changements vécus par une famille peut également affecter les rivalités, ajoute-t-il. «Nous voyons des changements autour de grands événements. Quelqu'un se marie, a un enfant, perd un parent. Tout cela peut aider à réorienter les relations. Lorsque des groupes de frères et sœurs ont ces grands moments pour les réunir, cela peut aider à réparer les barrières.

Mais en fin de compte, dit Whitehead, le facteur déterminant pour lequel les familles s'en remettent - et quelles familles ne le font pas - dépend de la personnalité. "La relation fraternelle est unique et multiforme", dit-il, "et il y a souvent autant de différences au sein des familles qu'il y en a entre elles."

Les experts suggèrent que les parents peuvent aider les jeunes enfants à réduire la rivalité naturelle et à les protéger contre des affrontements plus graves plus tard dans la vie. "Les parents devraient modéliser la résolution de problèmes et les compétences sociales", déclare Raad. "Vous pouvez avoir des conflits dans votre maison - ce n'est que sain - mais être capable de modéliser la façon dont vous résolvez ce conflit sans qu'il ne s'aggrave aidera vos enfants plus tard."

Encourager les frères et sœurs à nouer des relations étroites jusqu'à l'âge adulte - même si cela signifie des disputes occasionnelles - peut faire une différence significative. «Ces relations durent vraiment toute une vie», déclare Whitehead. "Tard dans la vie, nos frères et sœurs deviennent encore plus importants pour nous. Quand nos parents sont partis, ils sont le dernier lien que nous avons avec notre famille d'origine. En fin de compte, les frères et sœurs sont laissés les uns avec les autres.

"Il y avait beaucoup de tension entre moi et mes frères dans notre maison en grandissant", dit Roseanne. "Mais maintenant, nous sommes ensemble à des réceptions familiales, nous envoyons des SMS et discutons de ma mère, ce genre de choses, et je me suis rapproché d'au moins un de mes frères – même si cela a pris beaucoup plus tard dans la vie."